Je me suis penché sur le régime de l’auto entrepreneur. Mon point de vue est mitigé.
Tout d’abord, je suis intermittent du spectacle. Je constate depuis trois quatre ans que mon activité décline. Après douze année dans ce statut, je le vois poindre ce fameux jour où l’intermittent deviendra persona non grata dans les entreprises relevant de l’audiovisuel, du cinéma et/ou du spectacle. Par anticipation, sans me faire pour autant prophète de malheur, je me suis donc mis à lorgner du côté du statut de l’auto entrepreneur. Je vous est débroussaillé le terrain. C’est-y pas gentil ça ?
Dans le cadre qui nous correspond à nous professionnels des métiers de l’image, audiovisuel, multimédia – donc activité de service en BNC (bénéfices non commerciaux) –, le statut de l’auto entrepreneur autorise à un chiffre d’affaire de 32.000 euro/an. De cette somme, à ne pas dépasser (sinon on bascule sur un régime classique, avec tout ce que cela suppose de classiquement connu), il faut déduire les charges sociales (maladie, famille, vieillesse, CSG, CRDS, et d’autres que j’oublie sans doute), soit 21,3 %. Si on se met exactement au taquet du CA plafond, cela nous donne la somme de (32.000 - 21,3% =) 6.816 euro. Il me reste donc 25.184 euro (pour l’instant).
Il faut déduire aussi, au titre de l’impôt, le prélèvement libératoire, qui est de 1.7 %. Lequel ne se soustrait évidemment pas de la somme restante après le passage des charges que nous venons de voir, mais sur nos 32.000 de départ, soit au total (32.000 - 1,7% =) 544 euro. Nous avons donc à déduire, pour 32.000 de CA, un total de (6.816 + 544 =) 7.360 euro. Ce qui me laisse exactement (32.000 – 7.360 =) 24.640 euro. Réflexe de salarié (pardonnez-moi, je ne peux pas m’empêcher à titre indicatif de diviser cette somme sur douze mois, pour voir ce que le gouvernement me permet de gagner en étant soit disant libre entrepreneur) ça me donne un salaire de… 2.053 euro/mois.
Certes, on pourra dire que 2.053 euro de salaire maxi (ou 24.640 euro au global d’un exercice annuel, ce qui revient au même), c’est plutôt pas mal. Mais ça dépend pour qui (pas pour moi, haha…). Mais je m’amuse de cette barre symbolique des deux mille euro à laquelle je vais être cantonnée. Royal ! je suis même au dessus avec ces 54 euro... Mais trêve d'ironie, je n’y vois pas autre chose qu’une volonté politique bien étudiée de brider la plèbe et ses velléités entrepreneuriales.
Cette barre symbolique ne demeurera pas, hélas. Il y a l’incertitude de cette fameuse taxe professionnelle, à laquelle l’auto entrepreneur serait soumis à la quatrième année d’exercice (il est exempté d’office la première année, puis les deux suivante en guise de carotte fiscale si il opte pour le prélèvement libératoire de l’impôt). Et là, c’est à l’avenant : tout dépend de la région, de la ville, où l’on réside. Je vais me tourner du côté de mon centre des impôts pour savoir à quelle sauce seront mangé mes mirifiques 2.053 euro. Mais je gage que les 53 euro qui était au dessus de la barre symbolique vont très vite jarté dans quatre ans. De sorte que je serais effectivement sous la barre, et non au dessus. Comme on maintient le noyé la tête hors de l’eau. En tous cas, je suis à peu près certain qu’il y a eu un savant calcul en haut lieu.
Il y a aussi d’autres incertitudes. Par exemple sur les assurances genre défense/recours à contracter dans le cadre d’une activité en tant qu’entrepreneur. Le discours de l’administration est assez évasif à ce titre, que ce n’est pas vraiment obligatoire. Mais qui nous dit que cela ne le deviendra pas ? Puisque tout semble à l’avenant concernant ce nouveau statut… Sans oublier les investissements propres pour développer sa petite activité (par exemple des fournitures de bureau, consommable, matériels, etc.), tout ceci n’est pas déductible du CA et ne rentre pas en ligne de compte pour dégrever les prélèvements sur ce dernier.
Abordons maintenant le cumule du statut intermittent avec celui de l’auto entrepreneur. Et là, je vous invite à retrancher tout de suite le terme de « cumule », qui n’existe que pour nos chères élites, pardi. Le mot est donc impropre en ce qui nous concerne, petites gens et tâcherons des arts vidéographiques. Il s’agirait plutôt d’une « cohabitation » des deux statuts. L’équation est simple : l’Assedic vous demande de mentionner votre CA mensuel lors de chaque déclaration. Et celui-ci est transformé par le biais de votre taux journalier en jours non indemnisé. Sur le fond c’est somme toute logique et normal. Mais pour les conséquences – dans le cas où votre activité d’auto entrepreneur augmente en volume – cela peut décaler considérablement dans votre calendrier la date d’épuisement de vos droits d’intermittent, et donc de leur calcul rétroactif : 507 heure à trouver sur 307 jours (dix mois). Par effet d’une mécanique comptable tout à fait bien pensée, on peut dire que l’auto entrepreuneuriat impactera l’intermittence. Une « cohabitation » que je subodore transitoire, une sorte de glissement contractuel.
A terme, je serais porté à penser que le statut de l’auto entrepreneur n’est pas vraiment fait pour gagner plus par le fait de travailler plus, pour reprendre l’adage du candidat Sarkozy à la présidentielle. Je dirais que c’est plus un glissement contractuel du même statut quo qui bride les forces de travail, les cantonnent à une case de revenu et de pouvoir d’achat. Il y a un mieux, certes, dans ce statut qui permet d’amorcer une dynamique entrepreneuriale. Mais il n’y a pas de quoi non plus pavoiser.
Si le statut d’auto entrepreneur constitue une petite avancée graduelle (pas de paiement de charge si pas de chiffre d’affaire, simplification des démarches et paperasses, contrairement à un régime plus classique), il reste un rejeton de plus de cette mentalité crypto-communiste (ou crypto-soviétique) qui sévit dans ce pays et qui grève les énergies et les génies du travail.
Auto Entrepreneur ou Auto Etat Preneur ?
Roger, Amstudio.fr
http://www.amstudio.fr